Louise Pahun rappelle le projet d'extension de carrières de sable, à l’origine des manifestations de Héric et Saint-Colomban
Chers collègues, on pense du mal ou du bien des mouvements écologistes et de leur composante la plus « agitée », Chloé en a parlé, j’en reparlerais. Je comprends les débats qui existent sur les modes d’action.
Mais puisque nous parlons aujourd’hui de la mobilisation du 11 juin dernier entre Saint-Colomban et Héric, permettez-moi de parler un peu du fond du problème, c’est-à-dire les carrières, leur extension, et la logique extractiviste dans laquelle elles s’inscrivent.
Lafarge et GSM exploitent deux sablières à Saint-Colomban, d’une superficie respective de 49 et 65 hectares, pour une production totale de sable de 800 000 tonnes par an, couvrant les besoins de la construction (70%) et des maraîchers industriels, qui utilisent le sable pour favoriser la pousse de légumes et faciliter le ramassage mécanique (30%).
Ces deux exploitations génèrent la circulation de 120 poids lourds par jour.
Il s’agit de sables pliocènes datant de 2,5 millions d’années. Je rappelle que le sable est après l’eau, la principale ressource extraite et exploitée à travers le monde. Bientôt à expiration de leurs stocks, les deux carriers espèrent obtenir des autorisations d’extension de 30 et 40 hectares supplémentaires, sur des zones aujourd’hui dédiées à l’élevage. Les zones visées par ces extensions étaient classées jusqu’en septembre 2022 Zones Agricoles pérennes au SCOT.
Les sablières contribuent faiblement à l’économie locale : Faibles contributions fiscales (pas de taxe foncière notamment) et peu de salariés : 8 salariés chez Lafarge et 12 pour GSM. Les projets d’extension ne prévoient aucune création significative d’emplois.
Les besoins de notre société en sable sont totalement insoutenables d’un point de vue environnemental et nous devons mettre fin à cette fuite en avant en investissant sur les alternatives.
En France, les besoins annuels de sable atteignent actuellement près de 400 millions de tonnes, en hausse de 360% sur les 30 dernières années ! Et les alternatives au béton peinent à se généraliser, de même que le réemploi des matériaux, pourtant absolument nécessaire.
Les extensions vont aggraver les problèmes d’eau au sein d’un bassin versant qui est déjà parmi les plus fragilisé de Loire-Atlantique. La nappe de Machecoul est la plus fréquemment en crise avec des problèmes de quantité mais aussi de pollutions (nitrates, pesticides). Des riverains ont fait état de baisses drastiques du niveau de leur puit et ont d’ailleurs reçu des compensations des carriers. L’extraction en eau à l’air libre entraîne une forte évaporation, cette perte est évidemment problématique en période de manque d’eau.
La biodiversité est évidemment mise à mal par les activités extractives. Par ailleurs, même si des remises en état sérieuses avec des actions de restauration suivis sur le long terme peuvent permettre de créer des refuges de biodiversité, le bilan pour qualité de la biodiversité avant et après exploitation sera toujours moins bon que pour un bocage ancien et fonctionnel. Et on le voit avec le projet de comblement à Guémené-Penfao ou à Donges, même quand la fin de l’exploitation a permis à la biodiversité de se reconstituer, la vie animale et végétale est toujours suspendue aux besoins industriels du BTP.
Il faut agir sur la demande de sable et engager la transition du BTP : tant qu’il sera moins cher d’extraire du sable pour la construction les alternatives auront d’énormes difficultés à se développer. En pensant agir pour éviter des problèmes à court terme nous ne faisons que les repousser dans le temps et de les aggraver.
Face à ces constats, que peut-on répondre aux militantes et aux militants inquiets pour l’état de la planète et pour l’état de leur territoire ?
Oui, il y a une forme de violence dans le sabotage d’une serre expérimentale. Effectivement, pour les agri-managers, pour les bétonneurs, pour les carriers qui ne sont pas encore sorti d'une forme de déni de la catastrophe environnementale, ou qui sont trop enfoncé dans des logiques lucratives, c'est une forme de violence que de voir un outil de travail, un investissement dégradé.
Mais face à ça, on a la violence que leur système économique provoque et va provoquer pour les habitants de la LA, ceux de demain et ceux d'aujourd'hui, cette violence est autrement plus forte.
Qui est irresponsable entre des jeunes révoltés qui vont déchirer des bâches agricoles et un secteur du BTP qui fait la sourde oreille et prétend ne rien changer à son mode de fonctionnement destructeur du climat, destructeur des terres naturelles et agricoles.
Je ne peux pas m'empêcher de me dire que plus la situation environnementale va se dégrader que plus il y aura de tensions autour des ressources et que le désespoir va grandir. Donc ce type d'actions se reproduiront.
Je ne le souhaite bien évidemment pas. Mais pour que cet avenir pessimiste n'advienne pas, il faut changer. Il faut des actes et arrêter les discours de greenwashing.
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